I/ Introduction
Cette étude vise à illustrer l'action de l'élève
de 3-4 ans en situation d'apprentissage moteur lors de séances
inhabituelles se déroulant en gymnase (dispositif en ateliers «
gymniques »). Elle se réfère aux théories de
l'action située telles qu'elles ont été présentées
par M. Durand et Nathalie Gal-Petitfaux lors de l'action de formation
qu'ils ont animée en 2000-2001 et travaille particulièrement
les notions de signification, d'interaction et de typicalité.
II/ Dispositif matériel et pédagogique
- une classe de PS/MS (16 petits et 10 moyens)
- 4 séances de 45 minutes se déroulant en gymnase
- 5 ateliers conçus autour d'actions de type gymnique (franchir/sauter
; tourner/rouler ;se déplacer en équilibre ; se balancer
; se suspendre/se renverser)
- une séance de langage dans la classe articulée avec
le vécu corporel des enfants
- un intervenant, des observateurs
III/ Observations
Les séances filmées, les bilans (intervenant et observateurs),
les séances de langage en classe ont permis de dégager des
éléments de réflexion organisés autour de
trois axes
1. signification et construction de sens :
L'engagement de l'enfant se fait de manière essentiellement affective
(perception et émotion priment largement). Le sens donné
à l'action peut être en parfait décalage avec l'intention
de l'enseignant
2. interaction
:
Le rôle de l'enseignant se différencie progressivement: l'enfant
attend de lui qu'il soit une présence sécurisante, un témoin
de ses réalisations, une mémoire.
Le dispositif en ateliers comme les rituels sont des éléments
très structurants(différenciation des actions et des apprentissages
Les posters et les séances de langage qui s'y réfèrent
permettent de préciser les connaissances sur l'activité,
de développer les capacités à se décentrer
de l'activité vécue et à la conceptualiser pour la
communiquer
3. typicalités
Sur le plan organisationnel, l'élève participe et agit s'il
est accompagné, guidé (repères. spatio-temporels
stables et lisibles)
Sur le plan des apprentissages, il fait de nombreuses expériences
personnelles avant de réaliser des actions en adéquation
avec le dispositif. Il procède principalement par imitation et/ou
reproduction
Ce travail se réfère au champ théorique de l'action
située. Il tente d'illustrer l'action de l'élève
de trois et quatre ans (petite et moyenne section d'école maternelle)
en situation d'apprentissage moteur, la place et le rôle du langage
oral.
1. Le contexte :
Quatre séances d'EPS, réparties sur trois semaines,
ont été conduites dans un classe de petits (16 élèves)
et de moyens (10 élèves). Elles se déroulaient dans
un gymnase; cinq ateliers conçus autour d'actions de type gymnique
étaient proposés :
- franchir, sauter en contrebas
- tourner, rouler
- se déplacer en équilibre
- se balancer
- se suspendre, se renverser
Ces séances étaient suivies, en classe, d'une séance
de langage ancrée sur le vécu corporel des enfants au
gymnase.
Pour les élèves (trois groupes de petits et deux groupes
de moyens), l'activité était nouvelle, le fonctionnement
en ateliers tournant également. Cependant, les groupes étaient
constitués depuis longtemps et fonctionnaient de manière
régulière en classe.
Du point de vue de l'analyse, les séances de langage en classe
ont permis de dégager des éléments de réflexion
organisées autour de trois axes :
- significations et construction de sens pour l'élève
- interactions et principalement le rôle de l'enseignant
- typicalités sur le plan des modalités organisationnelles
et celui des apprentissages (acquisitions motrices et langagières
2. La construction de sens pour l'élève
2-1 Les observations faites par l'enseignant
au cours des séances ont montré :
au début nous avons noté
- une participation active avec exploration parfois hardie
- une grande attention au moment des rotations. Elle a diminué
au fil des séances attestant, de la part des élèves,
d'un intérêt plus important pour l'action que pour
l'organisation
- des appels fréquents pour dire « regarde ce que
je fais » très vite il est apparu
- une excellente mémorisation de l'organisation, des modifications
du dispositif, des contenus (échauffement, actions repérées)
- un intérêt différent selon les ateliers
(privilégiant la hauteur, l'inconnu, la prise de risque
- mais aussi, pour les plus jeunes, un « retour »
sur des actions non gymniques plus familières de type manipulations
ou jeu symbolique
2-2 Place et rôle du langage
En cours de séance, l'enseignant utilise le langage pour
- la présentation de la séance (repérage
du dispositif)
- la passation des consignes (tâche, organisation, sécurité)
- les échanges individuels
Il a une fonction principalement régulatrice
L'élève utilise le langage pour
- informer (regarde, j'ai fait... )
- exprimer une émotion, dire une intention
Il a une fonction principalement informative, personnelle
Après la séance, au moyen d'oral collectif ou de dictée
à l'adulte, le langage permet :
Il a une fonction instrumentale
Il a une fonction personnelle
Pour conclure, au fil des séances, les intentions et les actions
des élèves se précisent ; les émotions se
parlent et s'explicitent progressivement. Aucune interprétation
du vécu n'est faite à cette étape. Par ailleurs,
le langage structure l'action, principalement sur les plans cognitif et
socio-affectif.
3. L'enseignant comme personne ressource, les
interactions adulte-enfant.
3-1 Pendant la séance, l'enseignant est
une présence physique et disponible dans
- l'aide active ou guidée par le langage
- un placement adéquat, rassurant et assurant la sécurité
- l'observation des réalisations de chacun (il est le témoin
des prouesses)
3-2 Il est le guide et l'accompagnateur des apprentissages
- - au cours des rituels (échauffement, regroupements,
rotations, rangements) qui constituent les repères spatio-temporels
structurant l'activité
- - par un questionnement précis et des échanges
sur
- l'observation du dispositif (en place ou à l'aide
de posters)
- les contenus (de l'échauffement, des ateliers), avec
appel à la mémoire
- les consignes de sécurité
3-3 En classe, les temps collectifs de
langage autour de l'activité permettent une mise à distance
de l'activité ; ils développent la capacité à
conceptualiser (ex: j'accroche mes jambes à la barre pour faire
le cochon pendu) et l'acquisition de connaissances sur l'activité
(exemple sur le registre lexical : plinth et non canapé)
Pour conclure, pour un élève de 3-4 ans, l'enseignant représente
- la sécurité
- la mémoire du travail réalisé
- le témoin des réussites et des apprentissages
Au fil des séances, son rôle se différencie, l'élève
prend confiance, aquiert une certaine autonomie .... On peut même
aller jusqu'à dire que c'est l'élève qui «
apprend » au maître au sens entendu par Bruner « enseigner,
c'est aller à la rencontre de l'autre > ; en effet, les intentions
de l'enseignant sont souvent contrecarrées par les réponses
des élèves (matériel détourné de l'utilisation
prévue ; les anneaux par exemple), il doit ajuster, modifier, remédier.
4. Les typicalités.
4-1 sur le plan de l'organisation
Les élèves ont besoin d'être accompagnés
dans le temps et dans l'espace. L'organisation en ateliers a nécessité
- des groupes de couleur permanents
- un fléchage au sol (rotations)
- un balisage clair des zones de regroupement et des points de
départ On observe, au début, une organisation «
sur le tas ». C'est l'effet
- d'un manque d'autonomie
- de problèmes de mémorisation par manque de repères
- de déstabilisation par trop d'inconnus (exemple, les
difficultés à comprendre le sens de l'atelier tapis)
4-2 Sur le plan des apprentissages
4- 2- 1 d'ordre moteur
- l'élève fait ce qu'il sait déjà
faire (ex: sauter, se rouler par terre), mais il adapte son action
au matériel proposé (ex: l'espace entre deux tapis
devient une rivière à franchir)
- il imite fréquemment l'enfant le plus proche de lui
- il reproduit ce qu'un autre lui montre ou lui demande
- il invente (là ou dans un premier temps une action spontanée
ne vient pas)
Les progrès vont dans le sens
- quantitatif (beaucoup de répétitions de la même
action au début)
- qualitatif (amplitude et coordination)
- d'une adéquation progressive action/matériel
(les cordes, par exemple, ne servent à se balancer qu'à
la troisième séance pour la majorité)
- en fait, l'élève fait de nombreuses expériences
personnelles avant de réaliser des actions en adéquation
avec le matériel
4- 2- 2 d'ordre comportemental
On observe que les élèves n'enregistrent et ne respectent
qu'une consigne d'attitude à la fois, exemple : séance
1, je change d'atelier au signal ; séance 2, je ne saute sur
le tapis que s'il n'y a personne
4-2-3 d'ordre cognitif
- - les élèves expriment l'idée d'apprentissage
en termes très personnels (j'ai fait, j'ai réussi,
j'aime... )
- - ils définissent l'activité gymnique , par les
actions liées aux différents matériels, par
les prouesses exprimées
en termes anecdotiques, imagés, ou en référence
à une pratique sociale (faire comme tarzan, faire des galipettes,
faire l'acrobate... )
Pour conclure,
- les élèves ne s'organisent comme le souhaite l'enseignant
que s'ils sont accompagnés et guidés ; que lorsque
les changements sont peu nombreux (importance de la stabilité
du dispositif) ,
- les apprentissages se font principalement par adaptation, imitation
et reproduction
5 - conclusion générale
S'il ne fallait retenir de ce travail que quelques éléments
clés de nature à fournir des indications pédagogiques
simples pour l'enseignement de l'EPS en petite et moyenne section d'école
maternelle ; ils seraient
5-1 pour les apprentissages moteurs
- l'importance , voire la primauté du dispositif en termes
de repères spatio-temporels stables
- l'indispensable disponibilité de l'enseignant pour ajuster
et négocier les situations en adéquation avec les
perceptions de ses élèves
- la primauté, du point de vue des méthodes, de l'agir
(par adaptation, imitation, reproduction)
- les moteurs de ces apprentissages sont: le plaisir du mouvement,
la jubilation de la répétition, le sourire et l'encouragement
de l'adulte
5-2 pour le développement des compétences
langagières
- au fil des séances, l'enfant parle de lui, mais dans un
projet collectif
- par la dictée à l'adulte (compte
rendu, écrit, mémoire), il se décentre
progressivement, passe de l'implicite à l'explicite, prend
en compte l'interlocuteur, apprend à décrire, préciser,
ordonner, élabore de nouvelles compétences face à
l'écrit.
Références bibliographiques
Levine J. ; la notion de « minimum de reconnaissance du moi
» ; revue « Je est un autre » ; n° 7, Juin 1998
Reymond - Rivier B ; « le rôle des relations entre enfants
dans le développement social » ; in « l'activité
ludique dans le développement psychomoteur et social des enfants
» ; numéro hors série ; revue « Vers l'éducation
nouvelle » ; éditions du scarabbée ; C.E.M.E.A ; 1991
; pp143-153
Quelques images des séances.
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